Une tablette de malédiction exceptionnelle découverte à Tongres

À Tongres, un objet de magie noire datant du Ier siècle après J.-C. a été découvert. Des chercheurs de plusieurs facultés ont collaboré pour décrypter cette tablette.

En 2016, lors de fouilles préventives dans la ville de Tongres, une tablette de plomb datant de la fin du Ier siècle apr. J.-C. est mise au jour. L’objet d’une douzaine de centimètres est ce qu’on appelle une tablette de malédiction ou de défixion. De tels objets, usuellement déposés dans les cimetières ou les puits, étaient utilisés pour jeter un mauvais sort à quelqu’un.

La tablette est dans un état de conservation remarquable et porte une quinzaine de lignes associant dessins et textes magiques, grecs et latins.

Une des particularités de cette tablette est qu’elle est plate alors qu’habituellement ces malédictions étaient pliées ou roulées.



Ici, il semble qu’elle ait été accrochée directement sur l’habitation de la cible comme pour augmenter l’efficacité du maléfice.



Pour décrypter cet objet magique, il a fallu associer des chercheurs de plusieurs disciplines. L’archéologue Natasja De Winter (bureau Aron). À l’ULB, Alain Delattre, Alain Martin et Roxanne Bélanger Sarrazin (Philixte - CPEG) - Faculté de Lettres, Traduction et Communication - ont analysé les aspects magiques et textuels, Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier (SOCIAMM) et Georges Raepsaet (CReA) - tous deux de la Faculté de Philosophie et Sciences sociales - ont apporté leur interprétation historique. Quant à Daniel Demaiffe, du Service Géochimie - G-TIME - Faculté des Sciences , il a étudié la composition isotopique du métal de la tablette et il a pu déterminer qu’il s’agissait d’une production locale : le plomb a été extrait dans le massif de l’Eifel (Est de la Belgique ou Ouest de l’Allemagne).

En dépit de son origine locale, la tablette de Tongres présente des affinités de formes et de structures avec quatre malédictions sur plomb provenant de Tunisie ou de Grèce. Le modèle commun de ces cinq objets a probablement été transmis par un manuel de magie, rédigé peut-être en Égypte, dont des copies ont circulé dans tout le bassin méditerranéen, et même jusqu’aux confins septentrionaux de l’Empire, comme nous l’apprend la tablette de Tongres.

La tablette fournit ainsi un témoignage de première main sur la circulation des hommes, des idées et des pratiques religieuses dans l’Empire romain et montre que le territoire de la Belgique moderne a été très tôt intégré à ces réseaux.

Les résultats de la recherche ont été publiés dans la revue Latomus.