
Si une rue bruxelloise sur deux célèbre des personnes, la probabilité qu’il s’agisse d’un homme est dix fois supérieure à celle qu’il s’agisse d’une femme. En moyenne en effet, pour l’ensemble des communes, 46 % des noms de voiries (odonymes) sont masculins et 4 % seulement féminins. Plus on s’élève dans la hiérarchie des voiries, plus la présence féminine est moindre, sauf dans le cas de souveraines.
Sur base d’un relevé systématique des odonymes et d’entretiens avec des responsables communaux·ales en charge de l’attribution des noms de rues, des enseignant·es et étudiantes en sociologie de l’Université libre de Bruxelles dressent un panorama interpellant dans Brussels Studies : celui du peu de visibilité des femmes dans l’espace odonymique, mais aussi des difficultés qui s’opposent à celles et ceux qui ont entrepris de faire changer les choses.
L’étude a été menée par Nouria Ouali et Pierre Lannoy du Centre Metices (Faculté de Philosophie et Sciences sociales) et les étudiantes Virginie Desamoury, Sandrine Guilleaume, Fanny Mayné, Sophie Merville, Charlotte Odier et Adèle Thébaux.
Les disparités sont largement connues aujourd’hui. Les communes, compétentes en matière d’attribution des noms, affichent d’ailleurs toutes des stratégies en faveur de la présence des femmes dans les noms de la ville, tout comme dans la gestion communale. Toutefois derrière une unanimité de façade, des résistances existent dans le chef de certains élus et parfois de la population, qu’il convient de consulter à propos de changements de noms de rues. Il faut ajouter à ces freins la difficulté concrète de féminiser les voiries : changer les noms existants s’avère extrêmement lourd et les nouvelles voies à nommer sont rares et généralement de moindre importance. Faute d’opportunité, certaines élues envisagent donc de féminiser plutôt les bâtiments publics, stades, piscines, jardins, parcs, monuments ou arrêts de transports publics.
En travaillant à donner plus de visibilité aux femmes dans l’espace viaire, les normes et les pratiques qui dominent la fabrique de l’espace public sont appelées à être bousculées et, avec elles, les mentalités de celles et ceux qui habitent la ville.